Mathématiques, physique et information.
Comme l'explique si bien wikipedia, les mathématiques constituent un domaine de connaissances abstraites construites à l'aide de raisonnements logiques. Elles se distinguent des autres sciences parce qu'elles sont de nature purement intellectuelle.
Au contraire, la physique est une science qui tente de comprendre, modéliser voire expliquer les phénomènes physiques de l'univers. Elle correspond à l'étude du monde extérieur, des lois de sa variation et de son évolution. La physique développe des représentations du monde vérifiables, applicables et appliquées dans un domaine de définition donné. Le lien entre physique et mathématiques est évident : bien que les résultats mathématiques soient des vérités purement formelles, ils trouvent des applications très nettes en physique d'une façon étonnante. D'ailleurs Eugène Wigner parle de « la déraisonnable efficacité des mathématiques dans les sciences de la nature ». Autrement dit la physique répond aux lois mathématiques. Elle répond si bien à ces lois que je me suis souvent demandé si la physique n'était pas qu'un ensemble de lois mathématiques et rien d'autre. C'est même ce que j'ai tenté de montrer dans cet article Le monde est un langage, où j'écrivais : des générations de scientifiques se sont émerveillées de la fabuleuse organisation mathématique du monde, du cosmos. Ce n'est plus étonnant lorsqu'on sait que tout cela n'est rien d'autre qu'une sorte de code informatique si j'ose dire.[…] L'univers c'est juste une suite de concepts organisés en lois par Dieu.
J'ai envie, avec cet article, d'aller un peu plus loin dans cette voie en essayant de traiter la question suivante : les mathématiques sont plus vastes que la physique puisqu'une partie seulement des mathématiques est utile à la physique ; mais alors qu'est ce qui fait qu'une certaine écriture mathématique puisse être transformée en réalité physiqueet qu'une autre non ? La question n'est pas des plus claires. Pour bien m'expliquer, au lieu de faire de grands discours stériles, je vais commencer par prendre un exemple tout simple : celui de la droite... Qu'est ce qu'une droite ?
D'abord non : ce n'est pas qu'un fort coup du poing droit asséné à un type qui vous aurait préalablement irrité parce qu'il est trop débile pour faire la différence douleur/pas douleur. Mathématiquement, c'est surtout une ligne rectiligne, infinie et sans épaisseur. Passons sur le côté infini et rectiligne. La question la plus intéressante est la suivante : une droite sans épaisseur peut-elle avoir un sens physique ? Pour qu'une ligne ou un bout de ligne existe physiquement, il faut que ''l'on'' puisse le ou la distinguer de l'espace alentour. On est bien d'accord ? J'insiste sur cette question car cela est un point particulièrement important. Autrement dit, il faut qu'un observateur puisse obtenir une information différente entre un point de la droite et un point alentour qui n'appartient pas à la droite : il est ainsi nécessaire qu'un transfert d'informations soit possible entre ce qui la compose et l'observateur.
Ce qui implique l'existence d'un transmetteur de l'information, bien évidemment : ce transmetteur va être capable d'interagir avec les composants de la droite, mais aussi avec l'observateur. Puisque tout cela est tout compte fait un problème d'information, il est intéressant de comprendre le point de vue de ceux dont le boulot est depuis le début de s'occuper du bon déroulement des transferts d'information, c'est à dire des communications. Lorsque la société Bell a cherché les moyens de transmettre des messages de façon économique et fiable, elle a fait appel à des mathématiciens et à des ingénieurs. Ceux-ci ont été naturellement amenés à envisager les propriétés théoriques de tout système de signaux utilisés par les êtres, vivants ou techniques, à des fins de communication. C'est ainsi que la théorie de l'information de Shannon, ingénieur à la Compagnie des Téléphones Bell, est née.
Celle-ci ne s'occupe pas du contenu sémantique ou du contenant physique mais uniquement des aspects mathématiques de l'information. Exactement le sujet de l'article !! Or qu'apprend-on avec cette théorie ?
Et bien que l'information est une donnée essentiellement aléatoire. Plus celle-ci est au départ aléatoire, imprécise, plus elle est potentiellement intéressante, mais plus il faudra ''payer'' pour mieux la connaître. J'entends par ''payer'', dépenser, investir en énergie et en temps. L'information est bien synonyme de mesure d'incertitude. Comme c'est par l'intermédiaire du transmetteur de l'information que l'observateur a accès à l'information, c'est dans le processus de transmission qu'il faudra investir pour obtenir la meilleure information possible. C'est logique. Reconsidérons maintenant notre droite et supposons que son épaisseur tende vers 0. La probabilité que tel ou tel point de l'espace soit occupé par un élément de la droite va donc tendre également vers 0 : c'est logique. Donc le prix à payer pour savoir quels points de l'espace font effectivement partie de la droite va tendre vers l'infini. Or on ne dispose pas d'un compte en banque illimité, si j'ose dire. Les moyens que l'on a à mettre dans le transmetteur d'information sont forcément limités : on ne peut consacrer un temps et une énergie infinis à la recherche d'une information. C'est impossible. Par conséquent, on ne pourra pas accéder à l'information renvoyée par une droite dont l'épaisseur serait trop faible. Au mieux, on aura une probabilité de présence, une probabilité d'existence, laquelle tendra vers 0 lorsque l'épaisseur diminuera. N'est-ce pas un résultat étonnant ?
Les lecteurs cultivés que vous êtes n'auront en effet pas manqué de remarquer que le terme ''probabilité'' fait immédiatement penser à la mécanique quantique. Dans un article tout récent, j'expliquais que d'après celle-ci, il est impossible de prédire l'issue exacte d'une expérience : le mieux que l'on puisse faire est de donner la probabilité d'occurrence de telle issue ou de telle autre. Cette caractéristique étrange correspond tout à fait à ce à quoi on doit s'attendre quand on considère que le monde physique n'a de réelle ''existence'' que lorsque les observateurs peuvent obtenir des informations sur lui. La dernière fois, j'expliquais aussi pourquoi, d'après les développements récents de la science, la matière n'est sans doute fondamentalement que de l'information. Aujourd'hui j'ai apporté un argument supplémentaire en faveur de cette théorie en montrant que la matière sera toujours perçue comme étant fondamentalement une information.
Je sais que vous avez du mal à voir où je veux en venir, mais n'oubliez pas l'interrogation initiale : qu'est ce que le monde ?? Qu'est ce que la matière ?? Voilà la question à laquelle j'essaie de fournir une réponse. J'ai déjà de nombreuses reprises expliqué que le monde est avant tout une écriture, un langage mathématique. Maintenant nous savons que pour que ce langage mathématique devienne un monde physique, il faut qu'il puisse être conçu de façon à ce qu'un observateur puisse en tirer des informations.
Ce ne sont pas n'importe quelles écritures mathématiques qui peuvent faire cela : j'ai assez bien illustré ce point avec l'exemple de la droite, qui doit mathématiquement au moins avoir une épaisseur pour faire partie du monde physique. Alors bien sûr, je n'ai ni le temps ni les moyens de montrer par le menu détail comment un monde mathématique peut devenir physique dès lors que l'on prend en compte la nécessaire observation des phénomènes par une entité ''capable''. Surtout dans un article aussi court. Ce serait pourtant passionnant à faire et j'espère vraiment que quelques mathématiciens ou physiciens s'y mettront un jour. Je suis sûr qu'ils pourraient trouver de fantastiques explications à des mystères comme l'expansion de l'univers ou l'inflation cosmique (évoquées ici). Ce travail mathématique a déjà plus ou moins commencé, comme par exemple avec Bekenstein ou même Verlinde, qui tente d'expliquer la gravitation à partir de la notion d'information. On attend de voir...
En tout cas, une chose est certaine : l'observateur est le point central de la physique. La physique suppose l'existence d'un observateur ! La physique ne peut exister que POUR une entité observatrice, c'est à dire capable de recevoir, d'analyser et de comprendre des informations extérieures... Cela rejoint d'ailleurs ce que les philosophes nous ont toujours dit : le monde n'a de réalité que parce qu'il y a des consciences qui proclament son existence.
C'est juste fantastique... Comme si un Grand Architecte avait conçu le monde pour qu'on en ait conscience. Grand Architecte ou pourquoi pas Grand Informaticien tant le fait de concevoir un monde d'informations s'apparente à la démarche du développeur, qui, avec des bits d'information fondamentales, le 0 et le 1 ''électriques'', arrive à recréer des espaces en 3 dimensions souvent bluffants de réalisme, et accessibles par un écran. La seule différence est que le monde ''informatique'' que Dieu a conçu est beaucoup plus élaboré puisque nous avons la chance d'être entièrement plongé dans l'écran. Je rappelle que l'existence de ces écrans dans lesquels nous serions immergés est non seulement obligatoire dès lors que l'on examine la vraie nature de la science physique mais aussi lorsqu'on réfléchit aux conséquences de l'insuffisance du corps. Mais alors comment, dans ces conditions, ne pas admettre l'inévitable existence d'une entité transcendante et créatrice de toute cela ?? Le monde aurait pu être purement mathématique, voire purement chaotique. Pourquoi est-il conçu de façon à accueillir des observateurs ? Ne vous rendez-vous pas compte de l'extraordinaire coïncidence ? Êtes vous obscurantistes à ce point ? Pourquoi tant de haine ??
J'ai régulièrement cette désagréable impression de ne pas être sorti du Moyen-âge et d'être encore loin du temps où l'on pourra faire de la vraie science. En attendant, pour conclure, permettez moi de rappeler la piste de recherche qu'il faut suivre pour à mon avis réussir un jour à trouver la Grande Explication, la Théorie du Tout, c'est à dire le modèle capable de tout expliquer et de reléguer les modèles standards actuels, de cosmologie ou de mécanique quantique, dans le grand sac des théories archaïques et dépassées : Il faut étudier les possibilités d'un monde mathématique à devenir physique, c'est à dire les conditions qui rendront un certain modèle mathématique observable par une entité ''capable'', c'est à dire a priori consciente.
Bien à vous.