L'enfer est pour demain (épisode 2b).
Encore un nouvel épisode de la saga du vendredi.
- T'es qui toi? Qu'est ce que tu fais là? Tu sais pas que c'est notre secteur. Pour faire la manche, faut que tu payes. Allez, vas-y, t'as combien sur toi, là.
Tout le corps de Miteny tremblait. Il avait très peur. Pendant que le chef parlait, l'un des skinheads vit le livre que le pauvre homme vendait et s'exclama aussitôt.
- Mais c'est Miteny ! Le mec qui fait dieuexiste.com. Il donne 3000 à ceux qui réfutent sa démonstration débile de l'existence de Dieu... Et maintenant il fait la manche cet abruti ! AH AH AH AH AH AH !!! Et moi, je suis allé sur ton site, connard ! Donne moi mon fric ! Donne moi mon fric, connard !
- Quoi ? Il a 3000 à donner lui? C'est pas possible, c'est une blague. C'est quoi sa... euh.. démonstration... C'est quoi une démonstration?
Demanda le chef, qui n'avait pas l'habitude des mots compliqués.
- Il raconte que frapper le corps, ça suffit pas pour la douleur et donc que Dieu existe. C'est super con. Je te dis qu'il va les cracher ses 3000, ce bâtard.
- Attends, attends. Il faut vérifier. Il faut procéder à une vérification expérimentale. Sinon on ne peut rien conclure. C'est ça la science.
Le troisième skinhead, qui semblait avoir été un peu plus longtemps à l'école, donna alors un grand coup de pied dans la tête de Miteny sans que les passants ne prêtent la moindre attention au drame qui se jouait tout près d'eux.
- T'as eu mal ? Demanda son collègue.
- Non. Il a peut-être raison finalement.
- T'as pas eu un peu mal au pied ?
- Ah ouais, maintenant que tu le dis. Le corps suffit alors... Vas-y, sous-merde, crache ton fric.
Miteny ne répondit pas.
Tout en riant, les brutes s'acharnèrent de plus belle sur leur victime. Coups de poing, coups de pied, leur déchainement de violence était horrible. L'un d'eux commença à déchirer les vêtements du sacrifié avec un couteau. L'arme blanche dérapa et le serviteur de Dieu se mit à saigner abondamment. Les exemplaires du livre qui lui permettait de survivre furent rageusement piétinés comme aux pires moments du nazisme.
Heureusement, une bande rivale nommée « les vengeurs de l'islam » passait par là. Quand elle aperçut les skinheads, elle se précipita vers eux, histoire d'en découdre. Quand ils virent leurs pires ennemis fondre sur eux, les crânes rasés se mirent à fuir à toute jambe. Ils retournaient vers leur camion, là où ils avaient leurs uniformes. Car oui, officiellement, ils étaient policiers, CRS. Mais depuis la faillite de l'État français, les fonctionnaires n'étant plus payés, les flics étaient devenus une bande organisée comme les autres. Et comme les autres ils vivaient de raquette et avaient un secteur.
Chaque jour, l'anarchie gagnait du terrain. L'échec de la République était total. Pour s'en rendre compte il suffisait de compter le nombre de candidats à l'élection présidentielle que le gouvernement était en train de tenter d'organiser. Trente-sept ! Il y en avait 37 ! Rien qu'à gauche, il y en avait 19. Sarkozy, le président en exercice ne pouvait se représenter mais ses deux fils oui: l'un à gauche, l'autre à droite. Du grand n'importe quoi, comme on dit...
Tous ces candidats, des plus sérieux aux plus fantasques avaient tous le même discours. Ils commençaient par dire leur indignation de la situation. Pour eux l'incompétence des dirigeants actuels était inadmissible et il était urgent de voter pour eux car eux seuls étaient capables de vraiment changer les choses. Du foutage de gueule caractérisé, mais bon, c'est ce qu'on appelait la putain de tradition démocratique.
Le pire, c'était Carla Bruni. Elle venait de divorcer et se lançait en politique. Son programme était simple. Elle était « contre les méchants et contre le sida pour les enfants ». Elle était aussi « contre la pollution et contre les guerres ». Elle avait aussi déclaré : « la misère c'est triste ». Elle avait d'ailleurs fait une chanson là dessus. Incroyable de connerie ! Même les guignols de l'info n'auraient pas osé imaginer une mascarade si ridicule.
Ils n'auraient pas non plus osé imaginer que Sarkozy se reconvertirait vraiment dans le cinéma. Et pourtant oui, il osait. Accordons lui néanmoins une chose: la constance. Après avoir passé sa vie à raconter des salades, il était normal qu'il en fasse un métier. Il était prévu qu'il soit le héros d'un film hollywoodien. Le tournage débuterait dès qu'il quitterait l'Élysée. Il jouerait un ancien président oublié de tous qui un jour se découvre des super-pouvoirs. Comment souvent désormais, le film serait en 3D avec plein d'effets spéciaux. Pathétique.
De toute façon, le peuple était complètement perdu. Les gens ne savaient plus quoi faire, ils ne votaient presque plus. Ils avaient perdu toute confiance. Ils essayaient de s'en sortir, mais c'était très difficile, à cause du chômage, dont le taux dépassait les quarante pour cent. En dix ans, le taux de suicide avait été multiplié par vingt. Après l'annonce de la faillite de l'État, la criminalité avait explosé.
Heureusement, la situation n'était pas aussi critique qu'aux États-Unis, où, depuis 2012, année de la vraie crise économique mondiale, tout le monde se tirait dessus à qui mieux mieux. Point commun entre l'Europe et l'Amérique: l'afflux massif de clandestins qui fuyaient un tiers -monde doublement ravagé par la crise économique mondiale et par de terribles sécheresses qu'un réchauffement climatique devenu fou avaient aggravées.
A demi-inconscient, pataugeant dans son sang, Miteny se rendait bien compte qu'il était en enfer. Difficilement, il se dirigea vers une ruelle où on stockait les poubelles. C'est là qu'il vivrait désormais.
Bienvenue en 2017...