Au moins cinq fruits et légumes par jour.
Épisode 2 de la saga dieuexiste.com... (L'épisode précédent est ici).
« Qu'est ce que vous voulez savoir ? demanda Mitney, alors en train d'éplucher des pommes de terre.
- J'aimerais que vous me parliez du prophète Daniel. Je souhaiterais tout savoir à son sujet.
- Il y a plein d'ouvrages sur cet homme, à commencer par le livre biblique du même nom. Vous ne savez pas lire ?
- Si bien sûr. Je sais même écrire, dessiner et faire caca tout seul. Le problème est que je n'ai pas beaucoup de temps en ce moment. Je suis pressé par des évènements indépendants de ma volonté. Or il me faut tout savoir rapidement, y compris et surtout le sens caché des prophéties de Daniel. Car il a bien écrit des prophéties, n'est ce pas ?
- Des prophéties essentielles. Les seules prophéties chiffrées de la Bible, c'est dire. Bon, je suis d'accord pour tout vous raconter, mais sachez que ce que je vais vous dire n'est pas forcément acceptée par tout le monde.
- Ce n'est pas grave, je fais entièrement confiance en votre réputation. En tout cas, merci. Vraiment, merci. »
Glandon se mit à pleurer... mais surtout parce qu'il était en train d'éplucher les oignons. Il allait sortir les poêles quand Mitney lui resservit un peu de rouge. Du coup, il voulut reprendre du rocamadour, mais il avait été entièrement bouloté par l'hôte, visiblement très glouton. Robert fut forcé d'entamer le St-Marcellin. Heureusement, il restait du pain. Mitney entreprit alors d'ouvrir une autre bonne bouteille. L'américain songea qu'il fallait l'occuper, ne serait-ce que pour lui éviter le coma éthylique.
« Alors Monsieur Mitney, qui est ce fameux Daniel ? demanda prestement l'éplucheur d'oignons.
- Un grand homme, je peux vous le dire. Né probablement à Jérusalem dans les années 620 avant JC, il faisait partie de la noblesse juive. Très jeune, il fut, avec trois amis, choisi par les babyloniens pour servir à la cour du terrible roi Nabuchodonosor II. C'est en tout cas ce qui est raconté dans la Bible.
- Et arrivé à Babylone, il se sentit seul, demanda Glandon pendant que de grosses larmes coulaient le long de ces joues.
- Il avait des amis... lui. Ce que nous dit surtout le chapitre 1 du livre de Daniel, c'est qu'il refusa la nourriture riche et opulente de ses hôtes babyloniens pour préférer les fruits et légumes.
- Une tapette ? s'indigna Robert, quelque peu éméché.
- Ne soyez pas si vulgaire, si américain. Ne savez vous donc pas qu'il est bien mieux pour la santé de manger des légumes que de se goinfrer de frites, de viande, de ketchup et de fromage ? En France, on a un slogan : au moins cinq fruits et légumes par jour !!
Évitons de bouffer tout le temps des pâtes, ou pire d'aller trop souvent au Macdonald. Vous, en tant qu'amerloque, vous ne pouvez pas comprendre le jeune Daniel parce que vous êtes issu d'une civilisation de ventripotents. Mais nous, on le comprend, l'israélite. Un visionnaire.
- Ouais... Vous le comprenez à coup de pinard et de saucisson. Moi aussi, comprendre comme ça je sais le faire. Avec de la bonne sauce, je peux même comprendre plusieurs fois.
- Ne soyez pas mesquin, ne soyez pas poujadiste. Daniel était, déjà très jeune, un individu raisonné, soucieux de plaire à Dieu. Voilà pourquoi il donnait des conseils de santé très avisés, ce qui pour l'époque, est tout de même remarquable. Rappelez-vous qu'on parle là d'évènements qui se sont déroulés il y a plus de 2600 ans. Les bougres de l'époque devaient être encore plus cons que … enfin bon.... Vous me comprenez. Quoiqu'il en soit, ils étaient bien sûr complètement nuls en diététique. Ils ne devaient même pas être capables d'imaginer qu'on puisse penser à en faire.
- Ouais... Bon.... Je vais pisser. »
Le professeur Glandon se leva doucement de sa chaise. Il aimait cette sensation d'étourdissement que procurait le vin. « Le pinard, quelle belle invention » pensait-t-il tout en se dirigeant vers les commodités. L'anesthésie, la joie... mais surtout l'anesthésie, constituaient pour lui un effet secondaire de l'alcool tout à fait précieux.
Après s'être soulagé, il sortit tranquillement du recoin dans lequel se trouvait le cabinet. C'est alors qu'il se trouva nez à nez avec un silencieux si prestement pressé sur son appendice nasal qu'il ne pouvait s'empêcher de loucher en regardant cet objet pour le moins insolite et menaçant. Il n'eut pas le temps de s'étonner qu'un deuxième silencieux vint s'appuyer plutôt fortement contre sa tempe. Malgré l'euphorie procurée par le bon jus de raisin fermenté, le doute n'était plus possible : il était coincé. Ceux qui le poursuivaient depuis le nord de la France l'avaient retrouvé et l'avaient chopé...
« Au moins, j'ai eu le temps de pisser » pensa-t-il, lorsqu'un des deux lascars prit la parole.
« Alors, ducon Glandon, on fait moins le malin, maintenant. Tu crois que tu pouvais te tirer comme ça. Vas-y, passe devant, espèce de fiente.
- Je ne vous permets pas. »
Robert, en dépit de ses vociférations, n'en menait pas large. Après le coup qu'il leur avait fait, il pensait que ces sales types, des hommes de main sans foi ni loi, allaient se venger, et pas qu'un peu. Ils arrivèrent directement dans la cuisine. Mitney y était toujours, concentré sur ses patates et fut très surpris quand il leva les yeux. Il ne s'attendait visiblement pas à voir débarquer des inconnus.
« Qui sont ces messieurs ? » demanda-t-il aussitôt. Pour toute réponse, il reçut une gifle et un coup de pied dans la table. Ce dernier fut si violent qu'il fit tomber sur le sol le saladier de pommes de terre découpées en frites.
Ce geste gratuit et odieux énerva prodigieusement le musculeux Robert Glandon qui devint tout à coup écarlate. Il fut alors pris d'un accès de rage hors du commun. Il se jeta sur le preneur d'otages le plus proche de lui, le mordit au cou presque jusqu'au sang tout en s'agrippant avec une force incroyable à son bras. L'homme tira, mais comme il ne pouvait maitriser complètement ses mouvements, la balle qui sortit de son revolver alla se figer là où il ne voulait surtout pas qu'elle aille se figer : dans l'abdomen de son compère.
Celui-ci s'écroula lourdement tout en émettant un râle sourd de bœuf agonisant. Au lieu de calmer l'américain, cette élimination physique d'un adversaire décupla ses forces tant et si bien qu'il réussit à faire en sorte qu'un deuxième coup aille se loger dans le genou de celui avec lequel il avait engagé ce corps à corps désespéré. Désespéré mais finalement victorieux.
Glandon se releva et saisit l'arme du gangster. Maintenant il maitrisait la situation.
« Aucun respect pour la bouffe, j'ai bien envie de te descendre, ordure, dit-il froidement à celui qui était encore conscient.
- Ah, mais il y a du sang partout, c'est dégueulasse ! Vous l'avez tué ! Et en plus il bouge encore, c'est horrible ! s'exclama Mitney, dont les propos incohérents traduisaient la panique.
- J'en ai marre de ces raclures qui ne respectent rien, pas même les légumes. De toute façon, ils nous auraient descendu. Et moralement, je préfère laisser la vie à un mec sympa et honnête comme moi qu'à des racailles comme ces deux déchets.
- Les frites ne sont pas précisément des légumes... Que va-t-on faire ? Puis je appeler la gendarmerie ? Je connais bien l'adjudant, un ancien instituteur de ma région d'origine, la Normandie. Il pourra nous aider.
- Appelle, gros. Appelle... Et qu'est ce qu'on fait de la bouffe ? Parce que j'ai vraiment super faim. »
Hélas pour Glandon, manger n'était pas la priorité de Mitney, qui pensait surtout à nettoyer sa cuisine. Les deux blessés quant à eux hurlaient et suppliaient Glandon d'appeler une ambulance. L'aventurier américain réfléchit puis dit aux deux hommes :
« Si vous ne voulez pas mourir ici, dans cette cuisine crasseuse, vous feriez mieux de me répondre : qui êtes vous ? Pourquoi voulez vous m'assassiner ?
- Tu sais très bien qui nous sommes. Tu as volé un personnage très puissant et tu vas le regretter toute ta vie. Sois heureux que notre patron se contente de vouloir te supprimer et récupérer son bien. En d'autres temps, il t'aurait torturé pendant des jours pour que tu le supplies de t'achever, fils de Satan.
- C'est bien ce que je pensais. Vous êtes des hommes de... »
La réincarnation d'Indiana Jones arrêta sa phrase au dernier moment. Il ne pensait pas opportun que Mitney sache qui était le patron de ceux qui avaient salopé sa maison. Il frappa les deux hommes à terre puis demanda à son hôte d'appeler le SAMU. Machinalement, il vérifia dans son blouson. Les documents étaient toujours là.
Après appelé l'hôpital puis son pote gendarme, Mitney alla s'allonger dans le canapé, prétextant un mal de crâne. Il n'avait guère l'habitude de ce genre d'émotions et était même choqué de la violence souvent gratuite de Robert Glandon.
Stoïquement, ce dernier continua à préparer le repas tout en surveillant les deux blessés. Il était déçu : le cours sur les prophéties bibliques tournait mal et il ne savait pas comment récupérer la situation auprès de Mitney. Dehors, un terrible orage éclata...
La soirée ne faisait que commencer.
La suite... le mois prochain.