AAAAHHHH, c'est trop triste !! (épisode 3b).
Bon allez, encore la saga du vendredi...
Ignoré, méprisé, écrasé, rejeté, conspué, affamé, assoiffé, déprimé, martyrisé, humilié, piétiné, étripé, éborgné, le pauvre miteny rampait pour tenter d'atteindre un sac poubelle rempli d'immondices dans lequel il espérait trouver quelque chaleur si ce n'est humaine, au moins animale.
Désarmé, amputé, scalpé, démembré et même désanussé, bref dans un état lamentable, la victime des victimes, le sacrifié des sacrifiés se disait qu'il y avait bien des rats ou des cafards pour l'accepter ! C'était ses seuls amis à présent, surtout depuis que Carla Bruni avait été élu.
En effet cette mégère avait interdit toute référence à l'insuffisance du corps. Déjà le fait de dire « j'ai pas mal quand tu te cognes » pouvait valoir 150000 Euros d'amende (avec l'inflation, tous les prix avaient augmenté). Si en plus on prétendait que cela impliquait l'insuffisance du corps, alors là c'était directement la chaise électrique.
Du coup, notre malheureux héros ne pouvait plus vendre ses livres dans la rue: trop risqué. Cela doit d'autant plus vous attrister, chers lecteurs, que le pauvre homme avait gentiment préparé avec du matériel recyclé des petits corps insuffisants à confectionner soi-même. Pour attirer le client, il avait voulu faire un peu comme pif gadget: si on achète un livre, on a un gadget gratuit. Et là le gadget, c'était un corps insuffisant à confectionner soi-même, avec un petit marteau pour taper sur le dit corps et éventuellement réussir à comprendre que frapper n'importe quel corps ne suffit pas à produire de la douleur.
Hélas, trois fois hélas (ne retenez pas vos larmes chères lectrices), il était désormais totalement interdit de réfléchir et de vouloir donner un sens à sa vie. Tout ce qu'avait préparé le pauvre miteny avec les dernières forces qui lui restaient ne pouvait plus servir puisque toute prise de conscience était jugée comme étant particulièrement dangereuse. D'ailleurs beaucoup d'écologistes avaient été condamnés aux travaux forcés pour excès de lucidité.
Comme le monde était en train de s'écrouler et qu'il n'y avait aucune solution, il était désormais obligatoire de fermer les yeux. Le train fou de la civilisation allait s'éclater contre le mur et il ne fallait surtout pas que les gens s'en rendent compte. Et d'ailleurs, ils ne voulaient pas s'en rendre compte !!
La devise de la république (liberté, égalité, fraternité) avait été remplacée d'abord en 2015 par « du pain et des jeux » puis en 2018 par « des jeux et de la drogue ». Il était maintenant interdit de ne pas rire aux blagues débiles de steevy, récemment nommé premier ministre par Carla Bruni.
Depuis longtemps, miteny ne pensait plus à lui. Il était tourné vers les autres. Dès qu'il trouvait un petit peu de nourriture, il le donnait aux autres clochards, qui étaient nombreux. Il préférait faire plaisir aux mésanges, aux moineaux, aux pigeons, aux papillons. Eux aussi souffraient de la faim, eux aussi avaient besoin d'abri. Miteny ne voulait plus s'occuper de sa personne. Il préférait se réjouir du bonheur des autres. Il pleurait de joie lorsqu'il voyait une mère rouge-gorge donner à becqueter à ses oisillons. Il était transporté de bonheur lorsqu'il croisait une famille unie se promenant dans le parc en s'amusant. Il leur aurait donné tout ce qu'il a, s'il avait cru une seconde que lui, misérable vermisseau du monde d'en bas, avait quelque chose qui pouvait intéresser ces gens d'en haut.
Après avoir atteint le sac poubelle tant désiré, miteny se dit qu'il ne méritait pas de voir la lumière du jour. Alors il se traina difficilement vers une bouche d'égout. Crever sous terre, c'est encore ce qui pouvait lui arriver de mieux pensait-il.
Une fois bien au fond de son trou, il ferma les yeux et dit à haute voix: « Adieu, monde cruel ».
A SUIVRE...