Retour sur la notion spinoziste de Substance.
Introduction.
J'ai déjà évoqué le sujet dans un article de novembre 2011 : tout objet, toute énergie, toute « chose » qui existe, a une cause. Cette évidence toute simple en entraîne une autre : de tout temps, il y a toujours eu « quelque chose ».
Non seulement l'existence de « au moins quelque chose » est nécessaire, mais il faut que cette chose minimale nécessaire soit une entité capable d'être à l'origine d'une structure aussi grandiose que l'univers et ses milliards de galaxies.
Comme je l'ai dit, j'ai déjà proposé une démonstration de l'existence d'une entité nécessaire que j'ai nommé Substance dans l'article de novembre 2011 Dieu ou la Cause Première.
Aux arguments présentés à l'époque, où j'évoquais une fin de la chaîne causale, certains rétorqueront sûrement, et parmi eux les bouddhistes, qu'ils ne voient pas pourquoi celle-ci aurait une fin : le phénomène 1 a été engendrée par le phénomène 2 qui a été engendrée par le phénomène 3, etc... Sans qu'une fin soit obligatoire. Ils m'accuseront alors d'avoir postulé un résultat sans le démontrer.
Personnellement, je ne crois pas que ce soit le cas, d'abord parce que la théorie de l'univers statique des bouddhistes a été réfutée par l'expérience scientifique lors de la découverte du Big-bang. Mais même en supposant que cette chaîne causale n'ait pas de fin, il faut comprendre que la logique veut que cette chaîne sans fin aussi ait une cause !! Rien ne peut justifier qu'elle existe sans raison. On ne peut pas affirmer bêtement sans justification que rien ne l'a initiée !
En vérité, nous ne pouvons pas faire l'économie de la notion de Substance, entité qui n'a pas de cause en dehors de la nécessité logique de son existence. La Substance est là parce que l'existence de quelque chose est nécessaire et que « quelque chose nécessaire » ne peut pas être un bout de matière, tout simplement parce que tout bout de matière a une existence contingente. En outre, aucun n'a le pouvoir de décider de créer l'univers (!) ni même de se transformer lui-même. Ni un bout de matière, ni une excentrique infinie chaîne de causes et d'effets...
Ce ne peut pas non plus être l'univers dans son ensemble, lequel n'est qu'un ensemble de bouts de matière, c'est à dire de choses à l'existence non nécessaire... J'espère que vous suivez attentivement !
Cette Substance n'est pas non plus une énergie ou une force, qui sont des concepts contingents, c'est à dire des effets de causes antérieures. En fait, il s'agit de quelque chose de totalement différent de ce que l'on connaît dans le monde sensible. Il s'agit d'une entité d'une puissance incroyable, au delà de ce que la plupart des gens peuvent imaginer.
Étant donné que c'est un résultat important, je comprendrais que vous soyez un peu réticent, tout comme ont été réticents certains de ceux qui ont lu la preuve dite cosmologique élaborée par Leibniz.
Mais vous pourrez retourner la question autant que vous le souhaitez, il est impossible d'imaginer que cette Substance n'existe pas ! Tout simplement parce que s'il n'existe pas une entité dont l'existence est nécessaire, il n'y aucune raison pour que le néant ne règne pas.
En effet, je me répète - pour ce sujet, il faut vraiment se répéter pour tenter de se faire comprendre un minimum - mais si rien n'est nécessaire, alors il est possible qu'à un moment donné, rien n'existe. Or, comme je l'ai expliqué dans l'autre article sur ce sujet, en novembre, si à un moment T même infiniment petit, rien n'existe alors éternellement le néant sera. Car le néant ne peut engendrer autre chose que le néant, par définition. Si le néant pouvait engendrer quelque chose, il ne serait pas le néant.
Tout ceci revient un peu à se demander pourquoi il y a quelque chose - n'importe quoi, juste quelque chose - plutôt que rien. Si on prétend que cette question n'a pas de réponse, on affirme en fait qu'il peut exister quelque chose de tout à fait banal, comme un proton par exemple, sans qu'aucune raison n'explique l'existence de cette chose. Cela contredit la logique élémentaire, qui veut que tout ait une cause... À moins bien sûr une « chose » capable d'être éternelle et de ne pas avoir de cause en dehors d'elle-même !!
Je retombe sur mes pieds !!
- celui qui affirme que cette question n'a pas de réponse est obligée d'admettre qu'il puisse exister une chose sans cause extérieure, donc cause d'elle-même.
- celui qui admet que cette question a une réponse est obligée d'admettre l'existence d'une chose à l'existence nécessaire, cause d'elle-même.
Cette grande évidence, cette tautologie, constitue ce qu'on appelle depuis mille ans l'argument ontologique, lequel, je me permets de le dire, n'a que rarement été présenté de façon aussi claire. Mais rendons à César ce qui est à César : c'est Anselme de Canterbury, un ancien pensionnaire de la fameuse abbaye du Bec Hellouin, qui aurait formalisé la première preuve méritant le qualificatif ontologique.
En tout cas, ce qu'on peut dire, c'est que je viens, en vous présentant un argument ontologique sérieux, de démontrer l'existence d'une Substance qui n'est pas de nature matérielle, puisque les choses matérielles sont contingentes, mais qui existe d'une manière extrêmement puissante car extrêmement nécessaire. Si vous n'êtes pas convaincu maintenant - et je peux comprendre que vous ne le soyez pas totalement étant donné la subtilité des déductions énoncées -, à l'issue des trois prochains articles de cette petite série sur Dieu, vous ne pourrez pas faire autrement que l'être... Vous DEVREZ vous rendre à l'évidence !
En guise de citation finale, je vous livre aujourd'hui les quatre premiers axiomes de L'éthique, de Spinoza, ce grand philosophe qui a poussé la réflexion sur ces points logiques à un haut niveau.
I. Tout ce qui est, est en soi ou en autre chose.
II. Une chose qui ne peut se concevoir par une autre doit être conçue par soi.
III. Étant donnée une cause déterminée, l'effet suit nécessairement ; et au contraire, si aucune cause déterminée n'est donnée, il est impossible que l'effet suive.
IV. La connaissance de l'effet dépend de la connaissance de la cause, et elle l'enveloppe.
J'espère que cela vous fera réfléchir.
Bien cordialement.
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